Mon travail porte sur les “écritures de la contestation”, comme le dit Philippe Artières, historien chercheur au CNRS, dans son livre “La Banderole”. C’est-à-dire les moyens employés par les militants pour manifester dans la rue et communiquer un message.


La rue est un espace qui se partage collectivement. Cette notion prend tout son sens lorsqu’il s’agit de manifestations, pour revendiquer des droits, dans les rues, bras tendus, banderoles et pancartes visibles en tête de foule, messages peints, dessinés, écrits, usant de mots simples et d’analogies. Les lettrages bougent et font corps avec les femmes et les hommes qui les porte.

L’histoire des manifestations en France, l’histoire de la démocratie liée aux luttes sociales, ont creusé leur sillon depuis la Révolution de 1789. Depuis, les descentes de gens en colère dans les rues sont intimement liées à la politique, à ce que les gouvernements mettent en place. Les manifestants ne sont comptés par les policiers qu’à la fin du XIXe siècle, ce qui montre l’ampleur grandissant de ces événements, et l’importance de donner corps physiquement aux luttes et aux idées.

Dans ce geste de nécessité, de besoin, la fonction des lettres dans les mouvements sociaux est de donner une voix aux lettrages. Le geste de l’écriture est spontané, rapide et nécessaire.

Les caractères utilisés sont de nature amateure, sans maîtrise particulière : les outils employés sont rarement numériques, mais plutôt manuscrits : feutre, bombe, craie, chocolat, fusain, … ce qui conditionne le dessin de la lettre. Bien qu’une typographie numérique “ impeccable ” soit accessible, le champ de l’activisme privilégie le manuscrit, c’est-à-dire le geste du corps. L’écriture à des fins de lutte sociale permet d’articuler une pensée personnelle avec un mouvement plus vaste et commun : la lettre rassemble et unifie une foule derrière le drapé de la banderole. Ce sont ces écritures de la contestation qui permettent le changement: ce sont des écrits en mouvement.