La typographie relève de la culture matérielle de l’écrit. Décrivant à l’origine une technique d’impression mécanique au moyen de caractères mobiles, elle regroupe désormais un vaste spectre de pratiques qui se déploient autant dans le domaine de l’imprimerie que dans celui du numérique et s’accompagnent d’écritures spécifiques. Naturellement, l’histoire de l’éducation témoigne de dispositifs typographiques dédiés à la transmission du langage écrit. En raison des spécificités de la technique typographique, les usages identifiés portent davantage sur la composition de textes et la découverte de la lecture, que sur la pédagogie de l’écriture manuscrite. La lettre manuscrite relevant du geste et du mouvement, sa part typographique est réservée au modèle. Pourtant, la production de l’alphabet par la typographie propose une approche matérielle en mesure de révéler des aspects complémentaires de la reproduction de ses formes.

Afin de définir la place de la typographie dans l’apprentissage de l’écriture manuscrite à l’école maternelle, l’objet de cette thèse consiste dans une étude matérielle du processus de transmission de ce savoir élémentaire. Située à l’intersection des sciences de l’information et de la communication, des sciences de l’éducation et du design graphique et typographique, elle propose une lecture des dispositifs graphiques qui structurent l’apprentissage de l’écriture et accompagnent les pratiques éducatives contemporaines observables dans les classes des écoles maternelles publiques en France. Ainsi, elle expose une pensée de la relation du design graphique et de la pédagogie fondée sur la matérialité des outils de l’intellect et sur une expérience de recherche active.

La première partie «Apprendre à écrire à l’école maternelle» expose un état actuel de la pédagogie de l’écriture telle qu’elle est décrite par les discours institutionnels et les pratiques de terrain observables dans les écoles. La deuxième partie «Analyse matérielle du tracé spontané de la lettre capitale», étudie les spécificités des premières graphies enfantines qui émergent dans un contexte marqué par une pluralité d’activités graphiques. Elle distingue trois procédures de représentation en lien avec les développements du dessin, du graphisme et de l’écriture. La troisième partie «L’objet heuristique au service de la découverte de l’alphabet » aborde les étapes de mise en place d’un dispositif typographique dédié à la découverte matérielle de la lettre et les usages réalisés en classe. Elle s’articule autour de deux objectifs pédagogiques — révéler la structure composite de la lettre, guider le geste graphique par le module —, traités dans deux chapitres dédiés. La quatrième partie «Construire la lettre, configurer l’espace», interroge l’effet d’une approche modulaire de l’alphabet latin sur ses formes et sur les articulations des espaces dans lesquels elles s’inscrivent. À cette fin, une lecture sémiotique de la salle de classe est réalisée à partir des observations conduites sur le terrain, et mise en perspective avec la matérialité des supports de signes qui accompagnent la pédagogie de l’écriture manuscrite en maternelle.

Le résultat concret de cette thèse débouche sur la conception d’un dispositif de recherche typographique dédié à l’apprentissage de l’écriture manuscrite à l’école maternelle. Il défend une éducation par le faire, par l’action, et la pratique comme dynamique d’apprentissage et de recherche. Dans ce sens, le dispositif se compose d’outils de découverte matérielle de la lettre, qui invitent à la manipulation et à l’agencement modulaire. Leur conception a été orientée par les usages observés dans les classes lors d’ateliers pédagogiques. Ceux-ci ont été mis en place dans plusieurs écoles publiques tout au long de la recherche et ont permis l’élaboration progressive du dispositif, portée par un répertoire de formes adaptées aux pratiques enfantines identifiées et à leur développement naturel.


Thèse de doctorat menée au sein de l’École des hautes études en sciences de l’information et de la communication (Celsa, Université Paris-Sorbonne). Travaux dirigés par Emmanuël Souchier (CELSA), co-encadrés par Charles Mazé et Thomas Huot-Marchand (ANRT), depuis octobre 2016. Date de soutenance envisagée : 1er trimestre 2023